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14 objets: Zurich et sa «monstre votation»

drei Frauen zählen Stimmzettel aus in der Stadt Zürich
Scène de dépouillement à Zurich en 2014. Keystone

Plus de Porsche, plus de banques privées, plus de fêtes, plus de cocaïne – Zurich est la ville des superlatifs à plus d’un égard. Et cela s’applique aussi à la démocratie directe. Dimanche 10 juin, les citoyens de la ville se prononceront sur 14 objets. Mais cette déferlante comporte aussi des dangers.

Au bras de nombreux passants de la Bahnhofstrasse, des sacs en papier glacé signés Chanel, Bulgari ou Guggi. D’autres piétons vont et viennent avec leurs porte-documents et leurs costumes en tissu fin, gris de préférence.

Si Zurich est la ville la plus chère du monde, comme le révèle une étude Lien externede l’UBS, la Bahnofstrasse est sans doute la rue la plus onéreuse. Ici, les boutiques de créateurs sont alignées comme les perles d’un collier hors de prix. Sur cette même Bahnofstrasse se trouve la Paradeplatz où bat le cœur du secteur bancaire helvétique, le siège des plus grandes institutions financières du pays. Un peu plus loin se trouve l’hôtel cinq étoiles Baur au Lac, qui propose des chambres doubles à 800 francs la nuit, 3’800 pour la suite. Le lobby fait face à Bentley, Porsche et Bugatti.

Monstre concert – monstre votation

L’argent n’est pas le seul à occuper une place de choix dans cette ville. Les beats résonnent également dans de nombreux clubs tous les week-end. Et une fois par an, la ville accueille la Streetparade, la plus grande fête techno du monde. Avec une population de 424’000 habitants, Zurich est une métropole financière et une scène musicale importante à l’échelle internationale. Elle peut aussi être considérée comme un bastion artistique et religieux. Le dadaïsme a vu le jour ici et la Réforme a été fondée en Suisse.

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En 1968, Jimi Hendrix, dieu de la guitare, a électrisé la jeunesse de la ville lors du « Monster Concert». 50 ans plus tard, il se déroulera ce qu’on pourrait appeler la «Monstre votation». Les enveloppes avec les documents de vote qui ont atterri dans les boîtes aux lettres zurichoises dernièrement était aussi épaisses qu’un livre. Les citoyens de la ville sont invités à se prononcer sur un total de 14 objets : deux initiatives populaires nationales, deux objets cantonaux et 10 sujets municipaux.

Parmi ceux-ci figurent huit modèles financiers. Il est de plus question d’école à journée continue, de crédits pour de nouvelles construction de bâtiments administratifs, et le choix des organes de surveillance pour les écoles primaires.

«Nous n’avons pas de pouvoir sur la durée des débats»

«Nous n’avons pas l’habitude de nous prononcer sur autant de sujets», explique Claudia Cuche-Curti, secrétaire municipale. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs. En Suisse, quatre dimanches par an sont réservés pour les votations. En mars, le dernier scrutin était consacré aux élections municipales. «Nous ne proposons généralement pas de vote supplémentaire dans ce genre de cas», poursuit Claudia Cuche-Curti.

Une répartition uniforme est impossible puisque les objets sont traités par le parlement et les commissions. «Nous n’avons pas de pouvoir sur la durée des débats». De plus, depuis l’an 2000, les initiatives doivent respecter un certain délai avant d’être soumises aux électeurs.

Raisonnable – oui ou non?

Un tel flot de documents n’a pas de sens selon Toni Stadelamnn, candidat au Conseil de Ville (Parlement) il y a 4 ans. Pour lui, les électeurs sont dépassés d’un point de vue objectif, temporel et intellectuel. Dans ces conditions, il n’est plus possible de garantir la liberté d’opinion. Il a déposé un Stimmrechtsrekurs (appel concernant le droit de vote) qui a été rejeté. Argument avancé : le nombre d’objets est grand mais raisonnable. Il y a quelques jours, le Tribunal administratif a confirmé cette décision, sous prétexte que les objets soumis au vote ne sont «pas très complexes».

Un avis que confirme la secrétaire municipale Claudia Cuche-Curtis. «Les projets de construction en particulier se comprennent facilement». De plus, les bulletins de vote sont accompagnés des explications et recommandations en version longue, mais également en bref résumé. «Il est donc possible de se faire une idée générale du sujet assez rapidement».

La fatigue des électeurs

Thomas Milic, chargé de cours au Centre pour la Démocratie à Aarau (ZDA), estime qu’un tel paquet d’objets pourrait surcharger les citoyens. Il évoque notamment le concept de «fatigue des électeurs» qui a déjà été prouvé plus d’une fois en Suisse. «Cela signifie que les objets en bas de la pile ont plus de probabilité d’être rejetés, quel que soit le contenu». Mais les effets restent minimes. Selon les recherchesLien externe, nous sommes loin d’un grave problème de théorie démocratique.

Lorsqu’un électeur prend part à un vote, il ne se prononce pas sur le nombre mais sur le contenu des objets selon Milic. «En ce qui concerne les prochaines votations, il manque une sorte d’objet locomotive au niveau fédéral», explique-t-il. En d’autres termes, un sujet qui touche les gens et les fait se déplacer aux urnes. «Un citoyen qui s’exprime de toute façon sur tel ou tel objet remplira plus facilement les bulletins de vote municipaux». Cette fois-ci ce ne sera probablement pas le cas.

Le cas extrême de Palau

La ville et le canton de Zürich sont les leaders mondiaux incontestés en termes de nombre de votations, avec plus de 3’000 objets depuis 1869. Mais les « monstres votations » ne constituent pas une exclusivité helvétique. En Équateur par exemple, plus de 10 amendements à la Constitution ont été votés le même jour en 2011. Dans l’État américain de l’Oregon, les citoyens ont dû se prononcer sur 15 objets étatiques en une seule fois.


L’État allemand de Hesse soumettra au vote 10 objets cet automne, y compris l’abolition de la peine de mort. En Floride et à Taiwan, 10 propositions passeront par les urnes en novembre. Mais Palau, une nation insulaire du Pacifique, détient le record mondial : il y a dix ans, les citoyens ont dû voter sur un referendum constitutionnel composés de 23 objets.

Traduit de l’allemand par Lucie Cuttat

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