Newsletter N°23 - Septembre 2021

ÉDITO

La Tunisie a besoin d'une relance du dialogue national

Le 25 juillet dernier, des violences populaires contre les locaux de partis au pouvoir, ont conduit à un coup d'État qui menace les impressionnants acquis démocratiques de la Tunisie, berceau du Printemps arabe.
 
Le président Kais Saied a pris prétexte des violences pour suspendre le Parlement démocratiquement élu, lever l'immunité parlementaire, révoquer le chef du gouvernement et annoncer sa prise des fonctions du procureur de la république. Ce faisant, il a mis fin à la séparation des pouvoirs qui est à la base de toutes les démocraties modernes.
 
Il l'a fait en invoquant l'article 80 de la constitution démocratique qui a été rédigée dans le cadre d'un processus participatif à l'échelle nationale en 2014, après que le soulèvement du Jasmin a renversé la dictature de Ben Ali en 2011. Mais l'article 80, qui déclenche l'état d'exception, n'est qu'une excuse peu convaincante pour ce qui est un coup d'État à peine voilé : il n'accorde pas au président les pouvoirs de suspendre le Parlement, ni de prendre le contrôle du pouvoir judiciaire. En fait, il exige explicitement que le Président consulte à la fois le chef du gouvernement et le président du Parlement, lui impose le devoir de revenir au fonctionnement normal du gouvernement dans les plus brefs délais et lui interdit de dissoudre le parlement qui est considéré en session permanente, ni de présenter une motion de censure contre le gouvernement.
 
Depuis juillet, la Tunisie, autrefois saluée comme une lueur d'espoir pour la démocratie dans la région, a pris un virage dangereux vers l'autocratie. Des politicien.ne.s, des juges, des membres de la société civile ainsi que des hommes et femmes d'affaires ont été interdits de voyage. D'autres ont été assignés à résidence, sans motif légal. Des membres éminents de l'opposition, comme Yassine Ayari, ont été arrêtés et devront comparaître devant un tribunal militaire. L'état d'exception a été prolongé jusqu’à nouvel ordre - au-delà du délai de 30 jours prévu pour un examen par la Cour constitutionnelle, vu qu'il n'existe actuellement aucune cour de ce type.

Ces récents développements ont eu lieu dans un contexte de crise économique prolongée, aggravée par la pandémie. Le gouvernement a eu du mal à faire face à ces défis, limité dans son action par les réformes économiques exigées par le FMI et la Banque mondiale et par la lenteur de la campagne de vaccination contre la COVID. L'incapacité du Parlement à surmonter les différences entre les partis pour s'attaquer efficacement à la double crise, ainsi que le refus du Président Saied d'accepter les ministres nouvellement élus lors d'un remaniement ministériel, ont entre autres conduit les citoyen.ne.s tunisien.ne.s à perdre toute confiance dans l'ensemble de la classe politique et d’applaudir ce coup d’Etat d’une partie de l’exécutif contre les autres pouvoirs prévus par la constitution.

La Tunisie qui a accueilli le Global Forum on Modern Direct Democracy en 2015, a vécu une transition pacifique vers la démocratie qui a été couronnée par le prix Nobel de la paix en 2015. C'était l'exploit de tous les Tunisien.ne.s, et il faudra tous les Tunisien.ne.s pour retrouver l'espoir du printemps arabe. La solution à l’impasse institutionnelle en Tunisie qui prévalait avant le 25 juillet est plus de démocratie et non son délaissement. Ceci doit se faire avec tous les Tunisien.ne.s et avec l’aide des démocrates du monde entier. Pour aider à un retour au processus démocratique lisez et partagez notre lettre ouverte ici.  

Caroline Vernaillen

Global Manager PR & Community Building, Democracy International